4-De succès en succès, le « mythe » Cannon.
La recette de Globus & Golan semble fonctionner. On prend des stars ou des potentiels prometteurs, citons par exemple Chuck Norris, pour monter des projets que Yoram Golan et son département économique se chargent de financer par des préventes internationales ou tout simplement auprès des banques ou des investisseurs privés (Cannon group est devenu une société cotée et étroitement liée aux banques).
Le succès de l’année 1984 est donc Portés disparus, qui permet à Chuck Norris de sortir du circuit des indépendants, son plus gros succès d’alors, Œil pour œil, était produit par un autre studio indépendant de bonne taille nommé Orion pictures. L’autre production Cannon remarquée en cette année se nomme Maria’s lovers avec une Natasja Kinski alors en pleine gloire. Ajoutons une suite d’une série B remarquée, L’exterminator II, film indépendant dont Cannon produit la suite, ou encore Ninja III qui connait un accueil mitigé par rapport aux résultats escomptés.
Citons également en exemple L’épée du vaillant, un film d’héroïque fantasy avec Sean Connery dans ce qui fut considéré comme l’un de ses pires film. L’épée du vaillant est considéré comme un navet par la critique de l’époque qui ternit l’image de la Cannon.
Toutefois, l’évolution est bien en marche et la Cannon ne se contente pas de vouloir égaler les grosses majors en termes de gains pour le box-office. La politique demeure de racheter des circuits de distribution, c'est-à-dire des salles, en Europe dont l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie afin de converger le contenant et le contenu. Une politique d’expansion ambitieuse, très coûteuse, voire quasi monopolistique, qui accélère la titrisation de la firme auprès des banques et des investisseurs privés.
Cannon rachète aussi un producteur/distributeur de taille modeste mais qui compte : Thorn Emi Screens. Notre pays berceau du cinéma est également traité par notre firme qui, décidément, grandi bien vite puisque Cannon France est créée. En ce qui concerne le contenu, la matière première, la Cannon produit des films selon une dichotomie intéressante quoique contradictoire : des films d’auteurs souvent ambitieux comme Maria’s lover ou Bolero, ils seront la vitrine luxueuse de la firme « indépendante » et nos bons gros films d’action dans l’ère du temps, c'est-à-dire du Reaganisme primaire qui présentait alors en Rambo un modèle d’action légitime et efficace…au peuple américain (à noter que dans ses interviews pour Delta force, Chuck Norris lui-même soutenait ouvertement la politique militaire agressive de Ronald Reagan contre l’U.R.S.S !).
L’année 1985 confirme cette politique avec quelques films commerciaux voués à occuper les créneaux porteurs du moment (Allan Quaterman et les mines du roi Salomon, American ninja, Hercules II, Invasion U.S.A, Le justicier de New-York) que contrebalancent des films autrement plus ambitieux (Runaway train qui sera présenté à Cannes, Berlin affair de Liliana Cavani, une adaptation de Guerre et paix). Menahem Golan améliore commercialement le filon du ninja qu’il vantait alors d’avoir créer de toutes pièces.
On enlève Sho Kosugi le japonais pour mettre un américain bon teint qui ne connait pas grand-chose aux arts martiaux. American warrior renoue à nouveau avec le succès en propulsant Michael Dudikoff en tête d’affiche du cinéma d’action. L’acteur trônant fièrement sur les couvertures des revues d’arts martiaux alors qu’il n’y connaissait…vraiment pas grand-chose ! L’autre innovation de cette année fut l’arrivée dans l’équipe Cannon d’un réalisateur de films horrifiques ayant connu la gloire mais n’étant pas encore consacré par les studios américains.
Tobe Hooper intègre la Cannon pour un contrat de trois films ( Lifeforce, L’invasion vient de Mars et Massacre à la tronçonneuse II). Tobe Hooper disait de cette époque que fric coulait à flot et qu’il pensait alors qu’il en serait toujours ainsi !
D’ailleurs, la communication de la Cannon est un des points forts de la firme. De grands banquets pour les journalistes, de somptueuses plaquettes de promotion, de larges encarts publiés dans les revues corporatives ou encore de très grandes affiches couvrant les façades, comme à Cannes pendant le festival, étaient la griffe de la firme à la communication tapageuse.
Cannon aimait le cinéma !
Cannon soutient les auteurs difficiles !
Cannon réinvestissait tous ses bénéfices dans la production !
Et les journalistes très bien accueillis lors de ces brunchs, notons les articles élogieux de Mad Movies, relayaient sans recul critique aucun ces âneries ou ce storytelling surfait.