La saga rock of ages est toujours en cours, la série surfe en plein succès et l'écriture de Grant Morrision suscite beaucoup d'attente de la part de son lectorat. Alors que l'arc avait plutôt commencé mollement, avec un épisode sans guère de relief, l'épisode suivant a pour sa part entraîné l'équipe contre une version de l'Injustice league totalement rénovée puis trois membres sont projetés dans les confins de la réalité, vaste programme ou voyage s'il en est, pour finalement arriver dans un futur alternatif vicié dans lequel reigne Darkseid ! En seulement 4 épisodes ? Qui a fait mieux ?
Mais revenons un peu sur cet épisode 14, qui voit Aquaman, Flash dépouillé de ses pouvoirs et vieilli, ainsi qu'un Green Lantern devenu un soldat de Darkseid. Leurs consciences leur sont revenues, certes, mais ils trouvent un monde à l'agonie, où l'intérprétation toute personnelle du legs de Jack Kirby par Grant Morrison fait mouche. La version de l'anti-vie est convaincante puisque, tels le régime nazi, on ôte aux humains toutes leur personnalité, leur conscience, pour les remplacer par une soumission aveugle au grand guide.
Aquaman trouve une Wonder Woman quasiment vaincue, déséspérée quant à la suite de son combat, et la Justice League d'alors ne comprend guère plus que Green Arrow (Connor), Argent (un des très rares membres intéressants de la mouture des Teen Titans pas le médiocre Dan Jurgens), Atom (dans un costume intéressant désigné par Howar Porter, entre autres excellentes prestations graphiques), un porteur femelle du costume d'Aztek puis Amazo, l'eternel ennemi de la JLA passé, lors de ses pires circonstances, dans leurs rangs.
Dans une ultime charge, la JLA du future prend d'assaut DeSaad, l'inquisiteur en chef de Darkseid, qui coordonne la prochaine arrivée de ce dernier. Hors, on se rend compte que celui que l'on prend pour DeSaad est en fait Batman qui, au terme de souffrance dans des années de jeux sadiques et machiavéliques de DeSaad, a vaincu ce dernier et l'a remplacé pour préparer minutieusement la chute de Darkseid.
Ce dernier arrive, vainc sans guère de difficulté cette JLA aux abois avant de se retrouver face à Green Arrow et Atom, certainement les deux membres les plus faibles de toutes l'équipe. Atom, en bon scientifique, constate que Darkseid les voit, donc il est sensible à la lumière. Arrow décroche donc une flêche avec, dedans, un Atom miniaturisé qui traverse le champ de force de Darkseid. A l'intérieur du cerveau du tyran célèste, Atom lasérise son cerveau...Pendant ce temps-là, Batman trompe Métron, le soumet, puis renvoi Aquaman, Flash et Green Lantern à l'instant où la pierre philosophale que détenait Lex Luthor fut détruit, et qui a généré par réactions en chaine ce triste futur. Y-arriveront-ils à temps ?
L'épisode suivant, un double, voit donc la résolution de cette incroyable saga qui nous aura emmené trés loin, dans un futur dépravé, dans le cosmique le plus lointain. Nos héros parviennent donc à détruire à temps la pierre philosophale. Le match entre la JLA et l'injustice League tourne à l'avantage de nos héros. Contrairement à l'esprit d'équipe de nos héros, les membres de l'Injustice League ne font pas particulièrement preuve de pugnacité au combat lorsqu'ils comprennent que la partie est perdue. L'épisode s'achève, en bouclant les petites sous-intrigues débutées lors des épisodes 10 et 11. On peut qualifier cet épisode 15 de classique, il ne s'agit en définitif que de l'affrontement final entre les deux équipes antagonistes mais quel cheminement incroyable Grant Morrison nous a embarqués !
Nous sommes bel et bien dans une configuration super héroïque mais dans un incroyable enchevétrement de niveaux multiples, de voyages cosmiques (pour la partie la plus convaincante), d'un futur alternatif maudit (pour la partie la moins convaincante hélas). Si le début et la fin de cet arc donne dans le classique, nous nous retrouvons bel et bien dans une configuration où un grand scénariste a su adapter ses idées pousées, innovantes et délirantes pour les adapter à un schéma classique de comics.
Seuls bémols qui viennent hélas amoindrir ce tableau, les chevilles narratives entre le Wonder World, la justificiation de l'avenir corrompu ou l'importance capitale de la pierre philosophale paraissent minces et, par conséquence, nuisent réellement à la fluidité du récit. Un impair, certains lecteurs nord-américains ont décrochés, mais le caractére avant-gardiste et innovant de l'intrigue permet largement de susciter l'adhésion à cette histoire époustouflante.
Autre remarque négative, la vision du futur sombre et vicié nous rappelle immédiatement la novatrice saga "Days of the future past" de Chris Claremont et John Byrne. Cette histoire était tellement forte, tellement innovante, qu'il est difficile -même pour un auteur de la trempe de Grant Morrison- de souffrir la comparaison tant cette idée semble gravée dans le marbre...Toutefois, en 22 pages seulement, Grant Morrison et Howard Porter proposent une intrigue dense, fourmillant de nouvelles versions de personnages au bord de l'exctinction, avec en prime une superbe idée pour tuer Darkseid. Cet épisode demeure donc de très haut niveau.
Notons bien sûr l'impeccable performance graphique d'Howard Porter, toujours à mi-chemin entre Jim Lee et Jack Kirby, qui a énormément progressé pour trouver son style définitif. Il demeure convainquant dans le design des personnages malgré le fait que la quantité des nouveaux arrivants que lui a demandé dans le script Grant Morrison. En outre, la somme de décors fabuleux, de visions d'autres mondes, de l'infiniment petit ou de visions torturées du futur font de ce talent dessinateur un impressionnant créateur graphique qui aura laissé dans cet arc une somme d'idées, de nouveaux designs (Darkseid et Atom sont particulièrement réussis sous le pinceau d'Howard Porter). Bref, Howard Porter contribue largement à la réussite de cet arc d'exception et on peut légitiment se demander ce que ce duo, qui semble alors fonctionner à plein régime, va nous proposer pour les épisodes suivants.