2 Go to Charlton !
Les années passées chez Eisner & Iger étaient les années d’apprentissage, le chemin de croix en quelque sorte. Dick Giordano, qui était assez dévolu aux titres de la firme Fiction House (qui édita d’assez belles choses*), faisait toutes les tâches d’apprentis tels que la livraison des planches, tracer les cadres des pages, effacer les éléments qui n’allaient pas, tout cela sous la tutelle dirigiste de Jerry Iger.
Notre homme accéda quand même aux travaux d’encrage, très peu de dessin où sont style se superposait déjà à ce qui se faisait de mieux selon les standards de l’époque, c’est-à-dire de beaux dessin apolloniens tels qu’en produisaient, par exemple, Carmine Infantino.
Si Dick Giordano avait pour lui l’exaltation de la jeunesse, il sentait sans doute inconsciemment que le studio Eisner & Iger était trop brimant pour lui, bien qu’il devint à force de travail un assez bon encreur, rapide et aux qualités techniques de plus en plus affinées. Aussi son chemin croisa en 1952 celui de Al Fargo, qui travaillait justement pour le fameux éditeur du Connecticut, Charlton comics, qui produisait des comics. Les comics de la firme était une division de la firme parmi d’autres qui n’avait que pour but essentiel de faire tourner les imprimantes de la firme à plein régime.
Dick Giordano commença donc à diversifier ses employeurs et donc à livrer quelques menus travaux pour Al Fargo. Ce dernier venait justement à New-York pour procéder à des recrutements parmi les jeunes talents.
Charlton comics était à la fois réputée pour ne pas être trop exigeante en ce qui concerne la qualité du travail fourni par les artistes mais également pour ne pas allouer de gros salaires à ceux-ci. Mais Al Fargo se rendit compte du potentiel de Dick Giordano et il comprit qu’il lui fallut faire un effort en ce sens. Aussi Dick eut beaucoup de travail, ce qui lui permit d’augmenter ses revenus.
Deux années plus tard, au mariage de l’un de ses amis artistes nommé Sal Trapani, Dick Giordano rencontra sa future épouse, qui n'était autre que la soeur de son ami Sal ! Elle lui tapa dans l’œil. Il se marièrent donc ensemble le 17 avril 1955. Marie fut une épouse aimante qui forma avec lui une partenaire idéale dans la vie. Toutefois, quelque temps avant, 1954 fut également l’année du plus grand séisme que connut les comics américains avec la campagne anti-comics initiée par le Dr Wertham. L’industrie s’effondra et des multitudes de studios ou de compagnies nées dans le golden age, beaucoup s’effondrèrent et mirent la clé sous la porte.
Bien que Dick Giordano effectuait alors des travaux de free-lance un peu partout, déjà chez National Publication alias D.C comics, il fut pris comme tous les autres dans la tourmente puisque le marché connut un séisme sans précédent…
Même chez Charlton, on opéra une restructuration qui vit les tarifs à la page baisser de 20 $ à 13 $ mais également avec l’obligation de venir s’installer à Derby, au siège de la firme. Dick et Marie hésitèrent, leur famille était à New-York, mais les circonstances ne leur laissaient qu’un choix réduit : ils s’installeraient donc bien à Derby là où se trouve la fameuse imprimerie géante nommée Charlton.
Mais, heureusement, ce fut là où Dick Giordano fit ses armes en tant qu’éditeur ingénieux et respecté…
* Univers comics no 3 propose un assez beau dossier sur la firme Fiction House qui est autant didactique qu'intéressant. Un must, ne serait-ce que pour le contenu...