Si notre fabuleuse paire créative a désormais fait ses preuves sur le titre JLA, et elle est ma foi assez fatiguée ! Howard Porter, qui a pourtant abattu une grande quantité de travail, est remplacé de temps à autre tandis que Grant Morrison, lui-aussi, fait une ou deux pauses. Le titre est désormais le fer de lance de DC comics et il se doit, même lors des remplacements, de rester exceptionnel. C’est donc le très intéressant et capable Mark Waid qui se colle le temps d’une histoire en deux épisodes, pour les numéros 18 et 19, pour remplacer Grant Morrison, mais avec Howard Porter aux crayons. Si cet épisode demeure intéressant, il repose sur un fait scientifique intéressant de synchronie entre les atomes, il change quelque peu de l’imagination folle de Grant Morrison sans toutefois l’égaler. Le fill-in suivant, toujours de Mark Waid, est pour sa part nettement en dessous. Où diable est notre scénariste écossais aux idées si démentes ? Mais après ces épisodes, Grant Morrison revient pour une splendide histoire qui, encore une fois, ne pouvait être raconté de meilleure façon par nul autre que lui. Voyons cela…
Starro est une étoile de mer galactique qui conquiert et soumet les mondes en imposant ses excroissances, ses étoiles de mer donc, sur le visage des êtres afin de contrôler leur volonté. Premier ennemi historique de la Justice League des années 60, Starro est un de ses personnages délicieusement déments qui sortirent de l’imagination non moins fertile de Gardner Fox. Il y avait en effet une sorte de compétition dans les années 60 entre Stan Lee et Gardner Fox pour créer des personnages, des histoires, des concepts ou des menaces à chaque plus ahurissantes les unes que les autres. Si Stan Lee a remporté la partie, les créations de Gardner Fox (qui décéda en 1986) ne sont cependant pas à négliger avec des personnages tels que Amazo, Amos Fortune, Red Tornado, Despero, Docteur Destiny…ou encore notre Starro.
Si notre Starro est définitivement un personnage, ou plutôt une entité, marquant, il a le potentiel pour être redéfini encore et encore. La version ou plutôt l’utilisation la plus marrante de lui que j’ai lue et celle dans la Justice League Europe où il est assez malin pour duper cette mouture de la league, Grant Morrison en a la menace qui justifia la réunion de nos sept big guns dans JLA secret origin 1. Starro était alors une entité pensante, conquérante comme il se doit, et doué de la parole. Mais cette fois, Starro revient via un mode opératoire qui est issu des rêves…
Une nouvelle menace planétaire active sans tarder la JLA. Les habitants d’une partie du globe rêvent tous en même temps et, cela est problématique, rien n’indique qu’ils se réveilleront un jour ce qui met en péril nos dormeurs. La JLA doit alors se diviser en deux groupes : une partie de l’équipe est obligée de s’endormir pour comprendre la nature exacte de la menace tandis que l’autre partie surveille l’étrange évolution de la situation, sur le plan physique. Ils sont guidés en cela par le Sandman actuel, nommé Daniel, qui a hérité des pouvoirs et de la charge de son père, le Sandman original tel qu’il fut créé par Neil Gaiman à travers les 75 numéros que durèrent le titre et qui constituent une superbe balade adulte et poétique.
A l’intérieur du rêve, un petit garçon nommé Michael est lui-aussi perturbé par les altérations que génère Starro. Sa ville, son voisinage, son père même, changent et il semble être l’un des seuls à se poser des questions, à résister à l’emprise de Starro. En fait, Michael est la seule clef qui peut remédier à la situation : si son esprit accepte le conditionnement de Starro, ici une sorte d’être inconscient qui ne semble pas être exactement celui que l’on a déjà connu, c’est tout le continent qui tombe et, après lui, la planète et ses habitants qui vont succomber. Mais Superman et les autres vont tenter d’arriver jusqu’à lui, sans pouvoir, et submergés par les humains convertis à Starro.
Dans notre réalité, Aquaman, Martian Manhunter, Orion et Zauriel vont avoir fort à faire pour contrer la menace sur le plan physique puisqu’ils se rendent compte que Starro à désormais la taille d’un continent et que, pire encore, il y a d’autres étoiles qui sont sur le point de débarquer. Ils n’ont d’ailleurs quasiment aucun espoir de contrer cette menace surnuméraire sur le plan physique. Ce ne sera donc pas aux membres de la league de jouer, mais bien à la capacité d’insoumission du jeune Michael de refuser l’invasion des esprits par Starro.
Si cette histoire demeure un peu confuse, peut-être, à la lecture du résumé, il s’agit en fait de l’une des plus belles histoires de Grant Morrison qui rend hommage à la fois aux vieilles histoires de la League. En effet, dans les années 60 ou 70, il arrivait que des histoires lors d’Halloween plongeaient notre équipe dans des situations maléfiques et un des héros surnaturels, le Spectre ou l'étranger notamment, de la league venait leur prêter main forte.
Mais le ton et le traitement, comme toujours chez Grant Morrison, demeure réactualisé. Notre scénariste a donc demandé à son collègue Neil Gaiman l’utilisation d’utiliser exceptionnellement le personnage de Sandman nouvelle version pour l’utiliser dans cette histoire qui apporte beaucoup de fraîcheur et d’originalité dans ces réçits souvent hérmétiques de super-héros.
La révélation sur l’identité, dans la réalité physique, du personnage de Michael, est d’ailleurs une splendide note de poésie qui font de ce double épisode un des meilleurs moments du run de Morrison et d’Howard Porter, encore un. Toutefois, les histoires à venir balisent des personnages, des situations, ou encore des menaces qui vont nous mener jusqu’au grand final du titre…