Chuck Norris s’est finalement hissé, avec les années, au rang de star d’action. Pourtant, cela n’était pas gagné dés le début et il fut d’ailleurs même très rapidement éclipsé par Jean-Claude Van Damme pour ne plus jamais regagner sa place de star occidental d’arts martiaux. Pourtant, envers et contre tout, Chuck Norris a néanmoins laissé son emprunte dans le cinéma d’action et même, cela est plus croquignolesque, à la télévision ! On peut même dire qu’il a réussi dans les deux créneaux car, à chaque fois, il n’y avait pas de concurrent plus valable ! Même si la carrière du « grand » Chuck Norris ne comporte que (très) peu de films réellement mémorables, il est intéressant d’y revenir avec attention.
Né en mars 1940, Carlos Ray Norris se marrie assez tôt et, pour subvenir aux besoins de son tout jeune ménage. Aussi il s’engage dans l’armée où il est muté, en Corée du sud. Sur place, il s’intéresse aux arts martiaux et, après pas mal d’efforts, il devint ceinture noire. Rentré aux U.S.A et démobilisé, Carlos Ray Norris a désormais des enfants à charge…Aussi il décide d’ouvrir une école de karaté et, pour la promouvoir, il participe à des tournois dans ce sport en manque de reconnaissance et à la notoriété alors balbutiante. Etrangement, ces tournois le menèrent en final où il se heurta au numéro 1 du moment, le très grand Joe Lewis alors recordman pour un bon moment.
Chuck Norris finit par battre Joe Lewis, ce qui fut assez positif pour son école et sa renommée personnelle. Mais une splendide occasion lui vint de son adversaire no 1 puisque Joe Lewis refusa la proposition de Bruce Lee pour jouer son adversaire dans le final de la Fureur du Dragon. Ce film, dont la séquence finale, tournée en 4 jours seulement, fut un succès retentissant. Il propulsa Chuck Norris comme le premier et le seul occidental capable d’en remontrer aux asiatiques sur le terrain, du moins aux yeux des producteurs et du public.
Chuck Norris vit alors une fabuleuse opportunité de percer au grand écran comme star d’action d’un genre nouveau. Mais si son film suivant, Massacre à San-Francisco de Lo Wei, s’est avéré décevant pour lui en termes de carrière et d’exposition médiatique, il comprit qu’il devait capitaliser au plus vite son image d’homme d’action. Mais les grands studios, malgré par exemple son amitié avec Steve Mc Queen (qui l’avait conseillé à prendre des cours de comédie), ne lui ouvrirent pas les portes. Ce furent donc quelques années d’efforts où notre bon Chuck, surnom d’ailleurs typiquement américain qui est surtout le diminutif de Charles, dut œuvrer avec des compagnies indépendantes. Par compagnies indépendantes, j’entends des producteurs régionaux ou des investisseurs privés qui faisaient des films au coup par coup et, si les bénéfices se révélaient suffisamment intéressants, remettaient cela pour un nouveau film.
Ce furent donc des années de marasmes pour Chuck Norris qui s’imposa petit à petit, avec des films comme Octagon (avec Lee Van Cleef déjà dans un rôle de ninja), les Casseurs, Force one (très mauvais par ailleurs), ou encore d’autres petits titres dont une participations notable d’Erik Carson, futur actionnaire de la firme Impérial (l’Arme absolue et Full Contact car Impérial avait eu le bonheur de lui faire signer un contrat quand il était encore inconnu !) .
Premier bilan pour Chucky : ses films de cette première période, hors Bruce Lee, sont au pire lassants et au mieux soporifiques. Son talent ne crève absolument pas l’écran –à la réflexion à aucun moment- et ils sont totalement dispensables à tous niveaux ! Une mauvaise décennie, qui donne l’impression d’une suite de tâtonnements, mais qui permet à notre star, faute de mieux et de concurrents sérieux, de construire patiemment mais sûrement une image d’action star virile, une sorte de copie un rien risible de Steve Mc Queen, qui se prend au sérieux alors que ses personnages, quasiment tous uniformes, prêtent à sourire voire pire, à ricaner. Mais les années 80 allaient finalement changer la donne…
Si ses films ne furent pas de fracassants succès, Chuck Norris parvint néanmoins à gravir laborieusement échelon sur échelon. Dans sa biographie sortie en France pendant les années 80, Chuck Norris raconte d’ailleurs qu’il allait lui-même dans les états pour promouvoir à la radio ou dans des télévisions locales ses films…
Toutefois, ses films fonctionnaient commercialement, le genre d’action man était alors balbutiant, et ils étaient même exportés en Europe sans toutefois l’imposer en tant que star d’action de premier rang. Mais le début des années 80 fut décisif pour notre Chuck puisque, après tout et faute de concurrent sérieux ou pour faire court de meilleur combattant occidental, il resta le seul sur le créneau et cette période donnait une chance à tous les films de studios indépendants… Chuck Norris cultivait donc son image de super star des arts martiaux et ses films développaient cette image qui devenait de plus en plus familière au grand public américain.
D’ailleurs, Chuck Norris accèda enfin à des films plus ambitieux.
Si Dent pour dent de Steve Carter n’est pas mémorable, il lui permet à la fois de travailler pour l’Embrassy, une firme de distribution et de production qui a notamment produit des films de John Carpenter très intéressants…Aussi notre Chuck Norris travailla pour une première fois avec Steve Carter, un poulain de l’écurie Corman qui réalisa un excellent film sur Al Capone, avec notamment Stallone, qui fut salué par la critique.
Le film suivant, Silent rage ou Horreur dans la ville chez nous, permet à notre « héros » de surfer sur la vague du psycho killer, thème cher à de très nombreuses productions indépendantes presque toujours garanties de voir fructifier leur mise initiale. Si Silent rage ne manque pas de défauts, il a quand même le mérite de présenter une version alternative au film Horrible de Joe D’Amato où un héros intègre et bien américain doit arrêter un tueur homicide. Etrangement, Chuck Norris reprendra un sujet similaire à la fin des années 80 avec Héros, de William Tannen, mais sans les aspects horrifiques ou fantastiques qui confèrent à cette production le peu de charme qu’on peut lui trouver.
Le meilleur film de Chuck Norris, un accident donc pour celui qui connait sa carrière, arrive en 1983 avec Lone Wolf Mc Quade. Production Orion pictures, réalisée avec soin par Steve Carter, Lone Wolf Mc Quade ou Œil pour œil (après Dent pour dent !) voit enfin notre « acteur » aux prises avec un bon rôle, même pour un acteur minimaliste au jeu monolithique. Sorte de western moderne, Lone Wolf Mc Quade pioche dans tous les ingrédients de la bande dessinée moderne, du film d’action brut tel qu’il va se dessiner dans les années 80 pour proposer une bande d’action sans temps mort, avec même un climax fort bien soutenu. Les deux gros atouts de Lone Wolf Mc Quade sont d’abord la bande originale de Fransisco de Masi (dont le thème pompe une partition d’Ennio Morricone) mais surtout la présence en tant que méchant de Mr Kung-fu lui-même, David Carradine. Pour un choc de titans (remarquez cependant que je n’ai volontairement pas mis de majuscule à titans), Lone Wolf Mc Quade avait de quoi attirer le spectateur dans les salles tant, effectivement, le nom de David Carradine était associé aux arts martiaux. Si les chorégraphies du grand final démontrent clairement les limites des deux opposants, on peut néanmoins considérer Lone Wolf Mc Quade comme le meilleur film de sa star.
Les années 80 sont donc celle du succès pour notre star barbue avec les Portés disparus (bof), Invasion U.S.A (bof et fascisant) ou encore Delta Force (bof, fascisant mais très bien réalisé par Menahem Golan). De gros succès, bien moins cependant que ceux d’Arnold ou de Sylvester, mais qui lui permettent définitivement d’asseoir son statut auprès du grand public et des grands médias. Chuck, voulant se doter d’une image d’acteur, a voulu montre à son audience son humour (le temple d’or, un échec artistique et pas rigolo) ou la vulnérabilité (Héros, un échec mais assez rigolo dans la démarche). Mais Cannon boit donc la tasse en 1987 et notre Chuck doit donc sauver la firme avec Delta force 2. Poussif, pas terrible, totalement dédié vers sa personne, Delta force 2 boit la tasse et flingue la franchise. Il est vrai que cette suite ne bénéficie ni de la présence de Lee Marvin (décédé en 1987), ni du talent à la réalisation de Menahem Golan.
A noter que Chuck, rapidement dépassé par Jean-Claude Van Damme comme meilleur combattant occidental à l’écran, vit sa côte chuter vertigineusement au début des années 90.
Les films de Chuck sont donc carrément dispensable avec le très sérieux et caricaturale Hit Man, une sorte de punisher made in Chuck où ce dernier imite Steven Seagle…pour le pire ! Nous avons aussi le nullos Top Dog, qui vient longtemps après la vague des flics et leurs chiens, mais surtout l’hilarant Esprit de la forêt où Chuck touche le fond (du fond). Ce film, clairement destiné au public jeunesse, marqua d’ailleurs la fin pour quelques années de la participation de Chuck pour le cinéma. Qu’importe, il reste encore un créneau, la télévision, qui va s’avérer très lucratif pour notre star barbue !